19.5.07

Témoignage de Ginette Clément : le compte-rendu de Marine et Stéphanie

Mme Clément était une résistante française pendant l'occupation allemande. Son nom de jeune fille est Lion, elle est d'ascendance juive. A l'époque, est considéré comme juif celui qui a trois grands parents juifs ou deux grands-parents juifs de la même branche.

Les Nazis d'Hitler confisquaient les biens juifs, leur interdisaient de sortir entre 20 heures et 6 heures. Le port de l'étoile jaune était obligatoire à partir de 6 ans dans la zone occupée. Ils n'avaient pas accès aux lieux publics (piscines, bibliothèques, parcs, hopitaux, cabines téléphoniques,...) sauf entre 15 h et 16 h. De nombreuses professions étaient interdites.

Lorsqu'elle a 12 ans, en 1942, ses parents deviennent actifs en aidant des résistants. Le 27 janvier 1944 a lieu une rafle de juifs à Troyes, ses parents sont embarqués dans le convoi 68 du 10 février à destination d'Auschwitz. Ce convoi comprenait 674 hommes, 814 femmes, 279 enfants, 1229 personnes sont gazées dès leur arrivée, seuls 42 survivront dont 24 femmes. Ses parents sont gazés le 15 février 1944.

Après l'arrestation de ses parents, elle décide de partir chez des amis catholiques. Deux possibilités s'ouvrent à elle :
- Rejoindre dans le Sud de la famille
- Entrer dans la résistance

Elle choisit la deuxième solution par patriotisme et désir de vengeance.

Dans la Résistance

Elle devient agent de liaison dont une majorité sont des jeunes femmes car elles passent plus facilement qu'un homme seul. Transport d'armes, d'argent, de documents, de messages, de faux-papiers fabriqués par des employés de mairie et de postes émetteurs donnés par les Anglais.
Des messages codés sont envoyés par la radio anglaise, celui qui annonce le débarquement est un vers d'un célèbre poème de Verlaine :
" Les sanglots longs des violons..."
Dans la résistance d'autres remplissaient un autre rôle comme les passeurs qui faisaient passer des gens clandestinement de la zone occupée à la zone libre séparées par la ligne de démarcation, d'autres cachaient des juifs.

Mme Clément est clandestine, elle a des faux papiers et ne porte pas l'étoile jaune. Elle prend ses fonctions d'agent de liaison sous le nom d'Annick.
Première mission donnée : porter une valise dans le XVème arrondissement de Paris. Une nuit, en Saône-et-Loire, la Gestapo envahit la maison où elle loge, toute la famille qui l'héberge se retrouve arêtée. Elle fuit en Bretagne où il y a un fort réseau de résistance. Elle y rencontre le colonel Fabien qui lui donnera de nombreuses missions.
Un jour, alors qu'elle avait rendez-vous avec son chef de secteur, elle se fait kidnapper par deux hommes en civil qui l'emmènent dans une voiture où elle voit son chef de service en piteux état (torturé pour dénonciation). Elle arrive dans un bureau, on la fouille, les documents qu'elle transportait sont trouvés, on l'interroge puis les premières tortures commencent.
Le 6 juin 1944, on vient la chercher, on la torture à nouveau avec des supplices tels la dynamo (électricité), la baignoire (noyade), la goutte d'eau qui tombe toujours à la même place, toujours ponctués de coups de nerf de boeuf. Trois semaines durant, elle subira ces tortures mais n'avouera rien. Elle était couverte de plaies. On l'empêche de dormir, on lui rase la tête et on l'enferme dans une cave. Elle n'a plus la notion du temps, elle dit être devenue une "loque humaine".
On la conduit dans une cellule de la prison de Rennes remplie de prisonniers. Un matin, la porte de la cellule s'ouvre, deux militaires l'appellent par son vrai nom : Ginette Lion, ils lui annoncent qu'elle est condamnée et que, d'ici quelques jours, elle serait fusillée.
On l'emmène dans un "centre de triage", elle est emportée avec d'autres dans des wagons à bestiaux (remplis de 120 personnes). Le voyage est très difficile, notamment le manque d'hygiène et de nourriture. Des femmes enceintes, des malades, la faim, la soif. Elles n'étaient ni assises, ni couchées.
Au premier arrêt, les soldats tirent, il ya des morts. Au second arrêt, on donne de la nourriture aux "prisonniers". A Belfort, lors de la dernière étape avant l'Allemagne, le Maréchal Pétain vient "en visite" et dit : "bon voyage"...


La déportation

Arrivée au camp de concentration de Ravensbrück, les femmes entrent et laissent toute espérance. Elle est mise en quarantaine sans eau ni nourriture dans un air "qui sentait la mort", cette période ne cessant que lorsque les Nazis le souhaitent.
Les nazis rasent les crânes et font faire des "visites médicales". Les vêtements sont remplacés par d'autres. Elle est conduite au block 26 où se trouvent 1200 femmes pour 200 places prévues.
L'appel est fait pendant des heures, parfois à trois heures du matin, les "détenus" doivent se retrouver en rang par 5 dans la cour principale.
Dans les camps d'extermination comme Auschwitz, on gazait et on brûlait les gens. Dans les camps de concentration, on faisait travailler, on punissait et, à la longue, la mort était obtenue. Pour seule nourriture, ils recevaient 10 g de margarine, du pain noir et de la soupe aux feuilles de rutabagas. Plus il y avait de monde dans les camps, moins la nourriture était présente.
Les vestes protées pour l'hiver étaient faites avec des cheveux de femmes, dessus était inscrit le numéro du kommando et un symbole, ici un triangle rouge (politique), qui désigne l'appartenance à un groupe. Le dimanche était jour de "pouillage".
Beaucoup d'épidémies (diarhée, scarlatine, typhus,...) et aucun soin. Des expériences "médicales" étaient faites sur les prisonniers : avortement, stérilisation, jeûne de 20 jours, prélèvement de muscles sur de jeunes Polonaises pour injecter des cultures de bacille. Des suicides ont lieu pour se débarasser de ces conditions de vie. Certaines se jetaient sur les barbelés électriques.
Elle participait à un travail de 12 heures les pieds dans l'eau, aucun relâchement n'était toléré. Ses travaux : creuser le sable, tirer des charettes... Pas de repas entre 3 heures et 21 heures (une soupe et une tranche de pain faîte avec de la sciure de bois). Elle a vu des hommes de 25 kg se battre jusqu'à la mort pour une épluchure de pommes de terre.
Le soir de Noël, elles ont été mises par -30°C devant un sapin avec une petite robe en coton.
Elle échappe par deux fois à la chambre à gaz.
Par une froide nuit d'hiver, on la jette de nouveau dans un wagon à bestiaux pour un camp dépendant de Buchenwald : Schlieben, entre Dresde et Leipzig. Ils ont droit à quelques jours de repos avant de reprendre le travail : la fabrication de grenades. Les conditions sont encore plus dures qu'à Ravensbrück.
Le 21 avril 1945, le camp est libéré par les Russes. Le 25 mai, elle passe la frontière en direction de Sainte-Savine, près de Troyes, elle est rapidement accostée par les journaux. Elle envoie un télégramme à sa soeur.

« Je veux croire que chaque témoignage est une petite pierre qui constitue un rempart contre la menace de la barbarie qui est toujours présente »
(citation d’une ancienne victime du régime des Khmers rouges au Cambodge)


Compte-rendu réalisé à partir des notes prises par Marine Viry et Stéphanie Mougel
[photographies : S. Garber]